Nouveaux paradigmes dans l’univers mobile, nécessitant de nouvelles normes de développement19 septembre 2016
Innovation
Avant l’ère du smartphone, les innovations dans l’industrie des télécommunications ont été liées aux capacités du réseau (2G, EDGE, GPRS, 3G,…) et aux limites technologiques des appareils (batterie, taille, coût, écran, appareil photo, technologie de connectivité embarquée…). Les usages accessibles depuis le téléphone sont à cette période centrés sur la voix et le SMS. Ces innovations étaient incrémentales. Elles se sont retrouvées dans les téléphones qui se sont petit à petit miniaturisés et démocratisés via une réduction des coûts de production chez les fabricants.
Devant cette réalité d’évolution technologique, les opérateurs ont séparé la prise en compte des dimensions de produit, des technologies, des offres et de la vente pour constituer leurs offres de services.
Les nouvelles capacités de réseau ont permis à des industriels (HTC, RIM) de lancer dès 2002 un nouveau type de produit, le smartphone. Ce dernier était associé à de nouvelles offres destinées aux professionnels. Cette innovation est en rupture dans la mesure où elle a créé un usage en mobilité.
Cette rupture s’est démocratisée lors de l’arrivée du smartphone pour le grand public en 2007. Avec l’iPhone, Apple a commercialisé une solution couplant un produit centré sur l’expérience utilisateur, une offre adaptée à la consommation de données web et un accompagnement du client dans son processus d’acquisition.
En se démocratisant, le smartphone a démultiplié les usages offerts aux clients : des contenus du web aux flux multimédias, en passant par la messagerie instantanée ou le gaming. Candy Crush a par exemple dépassé les 100 millions d’utilisateurs quotidiens tandis que Whatsapp a atteint les 900 millions de téléchargement. Cette explosion des usages a formé un terreau d’innovation sur le plan des services, des technologies et des réseaux mobiles. L’arrivée du smartphone a ainsi constitué la première singularité technologique, déplaçant le référentiel du grand public en matière d’usage mobile.
Le développement de ces nouveaux usages s’est également traduit par des frictions du côté du consommateur. Les offres des opérateurs n’étaient pas différenciées selon les appareils et usages recherchés par les consommateurs. Des offres avec consommation de données étaient associées à des téléphones sans accès à internet. Des offres sans consommation de données étaient rattachées à des smartphones, générant du hors-forfait non maitrisé et des clients insatisfaits.
Ce constat a poussé les opérateurs à s’attacher à ce que leurs clients aient un appareil et une offre associés à l’usage recherché. Pour cela, ils ont pris en compte les dimensions de produit, des technologies, des offres et de la vente pour constituer leurs offres de services. Les offres de consommation illimitée en données associées aux smartphones ont permis d’adresser ces nouveaux usages.
Le succès commercial du smartphone a généré des innovations technologiques (batterie, capteurs miniatures, technologies de connectivité, écrans,…) et une baisse des coûts hardware. Cela a entrainé une diversification et multiplication des objets du monde mobile, smartphones et objets connectés. Gartner prévoit une accélération de cette tendance, avec 25 milliards d’objets connectés qui encadreront le quotidien des consommateurs en 2020. La multiplication du nombre d’objets mobiles introduit de nouveaux paradigmes :
Un utilisateur ne possède plus un unique appareil mobile mais une collection d’appareils : du smartphone personnel et professionnel aux objets connectés, en passant par la tablette. Les appareils partagés, à l’image de la tablette familiale, introduisent également une nouvelle complexité dans l’expérience utilisateur individuelle et collective ainsi que dans la complexité des offres de services et des conditions d’administration.
De nouveaux usages émergent avec la multiplication des objets mobiles : de la maison à la voiture, en passant par les wearables ou les usages B2B. Dans un environnement multi-devices, la diversité des usages entraine une complexité pour le consommateur qui peut adresser un usage avec des appareils différents.
Les technologies de connectivité se diversifient. De nouveaux protocoles radios comme Sigfox ou LoRa se sont développés pour répondre aux différents segments d’usages requis par les objets mobiles. Les protocoles radio de la maison se sont également multipliés et tentent d’imposer leurs standards, à l’image de Zigbee, Z-wave, Wi-Fi ou encore Thread. Cette multiplication des solutions de connectivité entraine une complexité pour le consommateur qui ne comprend pas toujours les détails de ces réseaux et la compatibilité résultante du choix de ces technologies pour leurs objets et leurs usages.
Les plateformes et les écosystèmes se multiplient. Certaines entreprises développent des plateformes web pour unifier la compatibilité entre les objets communiquant sous des technologies de connectivité différentes. Ces entreprises, notamment de grands acteurs dont les GAFA, sont en train de construire des écosystèmes pour simplifier la complexité et l’incompatibilité technologique des objets mobiles. Le nombre croissant de ces écosystèmes induit une nouvelle complexité vis-à-vis du consommateur. Ce dernier peine à comprendre quels objets et quels écosystèmes sont compatibles avec son propre portefeuille d’objets.
Les offres de consommation de données se complexifient. Aujourd’hui, les consommateurs souscrivent à un forfait mobile et l’associe à leur smartphone ou à leur tablette. Avec la multiplication d’objets à connecter par utilisateur, ces offres multi-SIM pourraient se complexifier.
Face à ces innovations technologiques disruptives, nous entrons dans une nouvelle réalité où plusieurs consommateurs utilisent plusieurs appareils, plusieurs technologies avec des usages multiples dans un environnement multi-concurrentiel et multi-écosystèmes. La complexité de ces disruptions, tant sur les technologies que sur les usages, a une ampleur plus grande que lors de l’arrivée des smartphones.
Le consommateur, perdu devant cette nouvelle réalité, se tourne vers les écosystèmes ayant la plus grande réputation, par exemple Apple. Cette stratégie de repli consommateur est un risque pour les opérateurs qui pourraient perdre la relation client.
Certains acteurs ont déjà identifié ces nouveaux paradigmes et complexités dans l’expérience utilisateur.
Google a annoncé en Avril 2015 Project Fi, un service qui automatise le choix du réseau entre la 4G et la Wi-Fi pour réduire la consommation de données 4G et donc la facture téléphonique du client. Google entend abstraire la complexité du choix de réseau pour ses clients pour simplifier l’expérience utilisateur de la consommation de données web sur smartphone.
Apple construit avec Homekit un écosystème autour des objets connectés de la maison. La société a pour objectif de faire émerger un standard de la maison connectée pour une expérience utilisateur sans couture dans l’utilisation des objets connectés. En positionnant l’iPhone et iCloud comme pivots de son écosystème, elle s’assure une fidélité client et contribue aux ventes de son produit phare.
Facebook teste l’intégration d’un service de réservation Uber sur son service de messagerie instantanée Facebook Messenger. La plateforme sociale a même déposé un brevet en Janvier 2016 pour créer un espace de partage de voiture entre amis pour se rendre lors d’évènements. En diversifiant les usages associés à son service, Facebook Messenger souhaite en simplifier l’expérience utilisateur pour faire croître sa plateforme.
Amazon a développé son concept de SmartHome store, qui permet aux visiteurs d’acheter des objets connectés pour la maison selon le Hub auquel ils sont rattachés. Amazon abstrait ainsi, pour le client, les complexités technologiques autour de l’achat d’un objet connecté pour la maison (technologie de communication utilisée, compatibilité technologique,…) pour en simplifier l’expérience utilisateur.
En Chine, Tencent a développé WeChat, une solution de messagerie instantanée comparable à Whatsapp. Constatant la multiplication des usages possibles sur le smartphone, WeChat a pris l’initiative de se positionner en intégrateur de services et d’usages mobiles pour en simplifier l’expérience utilisateur. Par exemple, depuis l’application de messagerie instantanée, les utilisateurs peuvent commander un taxi ou payer lorsqu’ils vont chez le coiffeur. Le regroupement des usages induisant leur simplification, le phénomène WeChat s’est démocratisé en Chine et commence déjà à traverser les frontières Chinoises.
Similairement, Alibaba entend ouvrir les frontières cloisonnant les usages sur le monde mobile et contraignant l’expérience utilisateur. Le géant, plateforme e-commerce chinoise, intègre au sein de ses activités un service bancaire permettant à ses utilisateurs d’ouvrir des comptes et de mettre de l’argent directement sur leurs comptes Alibaba, ce qui simplifie ensuite l’expérience d’achat en ligne.
Target s’intéresse à l’expérience d’achat d’objets connectés en boutique avec son concept Open House, lancé en Juillet 2015. L’entreprise redéfinit l’expérience d’achat d’objets connectés en mettant en scène les objets connectés dans leur environnement, comme le fait Ikea avec le mobilier de la maison. Plutôt que d’exposer des produits, Target s’attache à mettre en avant des scenarios et des expériences d’utilisation autour des objets connectés de la maison. Les démonstrations d’usages et les réactions des clients permettent à Target de récolter des données quant à la perception d’usage autour des objets exposés.
AT&T a dévoilé en Octobre 2015 NumberSync, un service permettant au client d’envoyer des messages ou de passer des appels depuis leurs tablettes ou autres objets connectés grâce au numéro de téléphone, utilisé comme identifiant unique. L’objectif d’AT&T est de rendre sans couture l’expérience client multi-device en permettant au client de rester en permanence joignable.
Orange a également lancé des initiatives de Messagerie Instantanée, de service de location de téléphone ou d’offres Multi-Devices. Des projets ont également été initiés pour simplifier le paiement en le rendant mobile, ainsi que la gestion de l’identité autour du numéro unique. Des activités ont également été lancées pour favoriser l’expérience sans couture autour de l’espace de travail ou dans l’utilisation des objets connectés avec Datavenue ou Homelive.
Notre conviction est que ces nouveaux paradigmes peuvent être adressés par les opérateurs, par une prise en compte simultanée des dimensions des appareils, technologies, offres et ventes lors du développement d’offres. Pour cela, une première étape consiste à étudier plus en profondeur les initiatives en matière d’expérience utilisateur citées ci-dessus. L’identification des nœuds de friction dans l’expérience utilisateur permettra ensuite aux opérateurs de proposer des offres répondant à ces nouvelles frictions clients par une expérience sans couture.
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