Nicolas Réquillart-Jeanson (Siparex) : le rôle clé de l’Operating Partner en private equity15 septembre 2025
Décrypte
Private equity
Nicolas Réquillart-Jeanson revient, sans langue de bois, sur son rôle d’Operating Partner au sein du fonds Siparex. Un métier relativement jeune en France, mais qui prend une place croissante dans le modèle économique du private equity. Feuilles de route IA, leviers opérationnels, conduite du changement, mise en réseau des participations, recrutement de cadres clefs… il détaille, exemples concrets à l’appui, sa méthode d’accompagnement.
Comment définissez-vous le rôle d’Operating Partner aujourd’hui ?
Un Operating Partner, c’est un salarié du fonds, exclusivement dédié à l’accompagnement opérationnel des dirigeants des sociétés dans lesquelles nous avons investi.
Historiquement, les profils étaient plutôt généralistes. Aujourd’hui, la tendance est très clairement à la spécialisation, avec des Opérating Partners experts sur un ou plusieurs leviers de création de valeur.
Chez Siparex, nous avons par exemple récemment recruté un Opérating Partner Climat. Notre mission : aider les entreprises à décarboner leurs activités, à améliorer leur impact biodiversité, mais aussi à progresser sur les volets sociaux et RH. À notre connaissance, c’est une première sur le marché.
Quels sont précisément ces leviers que vous activez ?
Nous avons structuré notre accompagnement autour de quatre leviers opérationnels principaux :
IT, Digital, Data/IA : cela englobe toutes les problématiques liées à la scalabilité des entreprises , aux outils (ERP, CRM, API) et bien sûr à l’IAisation des business models. L’idée, c’est vraiment de mettre la technologie au service des PME.
Performance : on agit sur l’ensemble des sujets liés à la croissance, acquisition, fidélisation, notoriété, développement des ventes, mais aussi à l’optimisation des coûts ou à la recherche de subventions et parfois à la diversification des modèles économiques.
RH et gouvernance : cela va de la structuration du comité de direction (recrutements de DAF, DG,…) au renforcement des conseils d’administration (administrateur indépendant), en passant par la mise en place de plans de partage de la valeur.
Climat et ESG : nous mettons en place des feuilles de route de décarbonation, nous menons des due diligences ESG et suivons les indicateurs associés pour piloter la trajectoire & la transformation ESG de nos participations.
La transformation digitale & IA est devenue un axe central. Comment accompagnez-vous vos participations sur ces sujets ?
Nous avons mis en place un programme structuré « IAction booster ». Toutes les entreprises du portefeuille sont invitées à construire une feuille de route IA. Pre-dill, nous intégrons l’analyse de ce nouveau risque à la fois sur le business model et les processus de gestions de la cible et donc in fine sur la décision de go/no go d’investir au capital de ces nouvelles entreprises.
Cette démarche s’appuie sur trois piliers :
D’abord l’acculturation : tous les six mois, nous réunissons plus d’une centaine de nos dirigeants pour partager les retours d’expérience opérationnels, les facteurs clés de succès et les risques stratégiques. Clément Téqui (Eleven) est intervenu récemment lors de l’un de ces clubs.
Ensuite, le cadrage : nous aidons à identifier les enjeux, à structurer les priorités et à formaliser les plans d’action en nous appuyant sur des consultants.
Enfin, la mise en œuvre, qui peut se faire avec des prestataires externes ou en interne, selon les ressources disponibles.
Nous avons également développé un playbook IA / Data, accessible à l’ensemble de nos entreprises. Certaines s’en servent en autonomie, d’autres préfèrent être accompagnées sur tout ou partie de la démarche. C’est pour cela que nous apprécions les partenaires capables d’intervenir de façon “360”, à la fois sur le cadrage stratégique et l’exécution opérationnelle, comme c’est le cas avec Eleven.
Quels sont les freins les plus fréquents à l’adoption de l’IA et de la data ?
Trois grandes difficultés reviennent souvent :
La conduite du changement : l’IA suscite souvent des interrogations ou des craintes, voire du rejet. Pour réussir, il faut partir des irritants du quotidien, des usages concrets, que ce soit côté salariés ou clients.
La scalabilité : certains projets sont techniquement mal dimensionnés. Mauvais choix d’architecture, données non structurées, technologies inadaptées… Cela freine la diffusion.
Le sens et le ROI : il est essentiel que la démarche IA soit économiquement pertinente. Sans retour sur investissement identifié en amont, la transformation n’est pas viable.
Vous avez évoqué des cas concrets. Pouvez-vous partager quelques exemples ?
Bien sûr.
Le premier concerne une société tech que nous accompagnons, Mobsucess. Grâce à sa feuille de route IA :
Elle a pu économiser plus de 10 000 heures de travail dans les tâches du quotidien, grâce à un ciblage plus fin et des processus automatisés.
Elle amorce un pivot de business model, avec un objectif de +1 million d’euros de chiffre d’affaires additionnel dès cette année.
Le second exemple, c’est Top Chrono, un acteur de la livraison du dernier kilomètre.
Nous avons lancé un projet d’optimisation des tournées logistiques :
3 mois de développement, 200 000 euros d’investissement,
à la clé, plusieurs millions d’euros d’économies qui sont réinjectés dans la transformation interne.
Mais ce n’est pas tout : l’outil mis en place permet aussi d’automatiser le travail du dispatcheur, un poste devenu très difficile à pourvoir. Résultat : les équipes peuvent se recentrer sur des tâches à forte valeur, comme le service client ou la formation.
Comment évaluez-vous la maturité digitale des entreprises accompagnées ?
Nous suivons l’évolution de leur maturité tous les six mois, à travers notre diagnostic « IACTION » mais aussi beaucoup d’échanges. Nos clubs réguliers permettent d’avoir un retour terrain, en temps réel.
Mais surtout, nous jouons à fond la carte « Ecosystème ». Avec plus de 200 entreprises en portefeuille, nous avons créé plusieurs clubs thématiques (CEO, IT/Data, ESG), et des canaux de communication informels, comme des groupes WhatsApp, pour favoriser le partage de bonnes pratiques. Et ça fonctionne très bien.
Et sur le pilotage de la création de valeur, quelle est votre approche ?
Dès qu’un fonds entre au capital d’une entreprise, l’alignement avec le management est clé. Les mécanismes d’incentive renforcent cette cohérence.
Concrètement, quand on entre dans une entreprise, on commence par un diagnostic, qu’on décline en « streams », c’est-à-dire en plans d’action opérationnels. Ces plans sont suivis dans le cadre de business reviews trimestrielles, qui sont bien distinctes des revues financières.
Un opérating partner travaille avec et pour les équipes dirigeantes, pas en copilote de l’entreprise.
Quelles tendances voyez-vous émerger dans ce métier ?
On assiste à une spécialisation croissante des opérating partners. De plus en plus de fonds internalisent ce type de profil, souvent âgé entre 35 et 55 ans.
Mais au-delà des compétences techniques, je pense que le rôle doit évoluer vers une posture de « coach ». Le véritable impact, c’est la transmission & internalisation de compétence, pour que celle-ci soit appropriée, incarnée et durable au sein de l’entreprise.
Un bon OP, c’est quelqu’un qui rend « les autres meilleurs ». Pas quelqu’un qui fait à leur place.
Et concernant l’intégration de la data et de l’IA dans le private equity ?
C’est une évidence et c’est déjà le cas dans de nombreux fonds.
Je suis convaincu que, dans les années à venir, 100 % des fonds intégreront la data et l’IA dans leurs démarches, à la fois pour gagner en efficience opérationnelle et qualifier les meilleurs deals mais aussi pour transformer les modèles économiques de leurs participations.
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