L’AI Act Européen : Vers une IA responsable et régulée
04 novembre 2024
Le cadre de l'AI Act européen impose des règles strictes pour une IA responsable, avec des niveaux de risque et des exigences de conformité progressive…
Data science
Conçus initialement pour des utilisations militaires et la recherche scientifique… les satellites sont désormais de plus en plus convoités par la Silicon Valley : mais dans quel but ?
Conçus initialement pour des utilisations militaires et la recherche scientifique les satellites sont devenus essentiels au fonctionnement de l’économie de l’information et leur nombre se multiplie autour de notre planète. L’Union of Concerned Scientists estime à plus de 2000 le nombre de satellites artificiels en orbite en 2019, dont 700 lancés depuis 2017.
Un chiffre qui devrait augmenter avec l’arrivée dans le secteur spatial des GAFAs et d’entreprises de la Silicon Valley, comme la société SpaceX d’Elon Musk ou Blue Origin par Jeff Bezos, développant des lanceurs réutilisables permettant de réduire le coût de lancement unitaire et de lancer tous types de satellites, pas uniquement les satellites d’observation. La miniaturisation (visible par exemple sur Terre dans les Smartphones) a permis de construire des nanosatellites, ce qui permet de réduire encore plus le poids du lancement dans le prix de revient d’un satellite. Ces satellites sont capables de collecter plusieurs térabytes de données qui sont ensuite transmises et réceptionnées par des stations terrestres afin d’étudier différents phénomènes.
Quelles données ces satellites d’observation collectent-ils ? Comment et par qui ces données sont-elles utilisées ? Loin d’être restées dans la sphère militaire ou gouvernementale, les données issues des satellites d’observation de la Terre sont aujourd’hui de plus en plus convoitées et exploitées par des acteurs privés, dans l’agriculture, l’assurance, la finance ou encore l’industrie pétrolière, et ce grâce aux considérables progrès technologiques réalisés dans le secteur aérospatial et dans le traitement de la donnée.
Les progrès technologiques, comme le développement de lanceurs, la miniaturisation des satellites ou encore l’amélioration des techniques optiques, sont à l’origine de la multiplication des satellites
Les données d’observation satellitaires peuvent prendre différentes formes, dont les principales sont : premièrement, l’imagerie satellite (sous forme de photographie), qui permet surtout de cartographier des zones ; ensuite, les données des satellites radar, qui, en éclairant la surface de la Terre à l’aide d’un signal électromagnétique qui est réfléchi et mesuré, sont capables d’enregistrer une multitude de données (détection d’objets, de mouvement, altimétrie, etc.) de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques.
L’intérêt croissant pour les données d’observation des satellites est renforcé, d’une part, du fait de la miniaturisation des satellites rendant plus accessible cette technologie, avec un coût (construction et lancement) passant de plusieurs dizaines, voire centaines, de millions d’euros pour un satellite standard à quelques centaines de milliers d’euros pour un nanosatellite. Ces différents progrès technologiques ont permis de collecter un volume de données satellitaires plus important et de meilleure qualité.
Ce coût s’explique notamment par le coût élevé de lancement dû, en partie, à la masse du satellite, elle-même liée à la taille et aux poids des instruments de mesure, au type de moteur utilisé et à sa source d’énergie (batteries, panneaux solaires, etc.). Plus léger, il pourra être mis en orbite par un lanceur bon marché, et même partager celui-ci avec d’autres satellites, et ainsi réduire encore ce coût. Les constructeurs de satellites (Airbus, Maxar, Thales Alenia Space, ArianeGroup, etc.) se sont appuyés sur les progrès technologiques réalisés sur les moteurs, ainsi que le développement de la propulsion électrique, plus efficace pour réduire la masse totale. Parallèlement, les avancées dans le domaine de l’électronique ont permis de confectionner des puces de plus en plus économes en énergie, allégeant le poids des satellites.
L’ensemble de ces progrès ont abouti à la construction de nanosatellites, désignés comme tels lorsqu’ils pèsent moins de 10kg (un satellite dit « mini » pèse entre 100 et 500kg). Leur taille réduite rend possible le lancement d’un nombre plus important de nanosatellites avec un seul lanceur, tout en collectant autant de données, le tout à un moindre coût. Ceci est vrai en particulier pour les radars imageurs, mais la technologie SAR (Synthetic Aperture Radar), permettant de capturer des images en deux et trois dimensions, en est quant à elle aux balbutiements de ces micro–technologies.
Enfin, la résolution spatiale, qui désigne la taille du plus petit pixel visible dans les images capturées par un satellite, était d’une centaine de mètres il y a encore quelques années, alors qu’elle est aujourd’hui passée à moins d’un mètre. Ce progrès s’explique par l’amélioration de la qualité des caméras installées sur les satellites. Ce qui permet, par exemple, de pouvoir distinguer des détails précis sur une maison, donnant lieu à de nombreuses applications, dans le domaine de l’assurance notamment (cf. infra). Néanmoins, une trop grande résolution peut s’avérer problématique en termes de propriété de la donnée (respect de la vie privée, droit à l’image, etc.) et, par ailleurs, n’est pas toujours nécessaire pour exploiter ces images. C’est pourquoi la demande s’établit aujourd’hui principalement autour d’une résolution d’une trentaine de centimètres.
Ces différents progrès technologiques ont permis de collecter un volume de données satellitaires plus important et de meilleure qualité. Mais l’exploitation de ces données nécessite d’abord de les traiter et de les rendre utilisables par des entreprises, ce qui est permis par le développement du cloud et de la Data Science appliquée au domaine spatial.
Tout d’abord, l’essor du cloud a facilité le stockage à grande échelle de volumes considérables de données collectées par les satellites. S’ajoutent à cela les progrès en matière de traitement de la donnée avec l’Intelligence Artificielle qui ont permis d’automatiser le nettoyage de la donnée et de réduire le temps consacré à l’interprétation de celle-ci.
A titre d’illustration, Amazon Web Services a lancé en 2019 AWS Ground Station, un réseau de stations terrestres implantées à travers le monde visant à contrôler des satellites, réceptionner leurs données, les stocker dans leur système de cloud et les analyser. Le géant de la tech a noué des partenariats avec des opérateurs de satellites, tels que Maxar Technologies, Thales Alenia Space, afin de leur donner accès à ses services, facilitant l’accès à la donnée pour leurs clients. Il s’agit des premières « Ground Stations-as-a-Service » : un modèle de service donnant à des clients un accès sur demande à ces satellites et à un ensemble de fonctionnalités d’analyse des données sur un modèle de pay-per-use, sans avoir à mettre en place d’infrastructures lourdes, principaux freins à la généralisation de l’utilisation des données satellitaires.
La puissance de calcul du cloud permet ensuite de croiser de multiples sources de données permettant d’environner un phénomène en particulier : images aériennes, images radar, infrarouge, ultraviolet, etc., ce qui enrichit considérablement les modèles de Machine Learning. Par exemple, la cartographie d’une forêt par satellite peut être réalisée en utilisant de l’imagerie satellite, qui permet de détecter la surface et le type de végétation observée, à laquelle on peut ajouter de l’imagerie radar qui permet de distinguer les reliefs, apportant une vision plus complète et plus juste de la zone.
Les secteurs minier et pétrolier utilisent fortement les données satellitaires pour la détection et l’identification de nappes d’hydrocarbures. Par exemple, l’étude de l’implantation d’une nouvelle zone de forage peut être réalisée grâce à de l’imagerie satellite et du radar, ou SAR. En effet, cette technologie permet de « voir » sous les sols et donc de juger de l’adéquation des sols avec une activité minière, ce qui est impossible avec une simple imagerie satellite. Toutefois, ces technologies SAR sont très coûteuses et donc peu reproductibles à grande échelle.
Il est également possible de mesurer les stocks de carburant dans une zone donnée à l’aide de données géospatiales. C’est justement ce qu’avait réalisé la startup américaine Orbital Insight en 2016 en utilisant les images radar de réservoirs de pétrole entreposés en Chine, dont ils avaient calculé le niveau de remplissage à partir des ombres projetées sur le sol (voir image ci-dessous). C’est ce qui permit d’estimer à 600 millions de barils les réserves de pétroles stockées en Chine à l’époque, soit 50% plus que les estimations réalisées par des experts du marché. Une telle analyse pourrait également être fournie à un producteur d’énergie pour estimer l’activité de ses concurrents ou à des traders spéculant sur le cours du pétrole, comme le fait Kayrros.
D’autre part, les sociétés de trading et les hedge funds trouvent dans les données satellitaires un moyen d’obtenir des signaux faibles sur les performances économiques d’entreprises bien avant leur communication sur les marchés financiers. Un cas illustrant ce point est l’utilisation d’images satellites capturant les parkings de grandes enseignes de retail et permettant de détecter les voitures garées pour ensuite les compter à l’aide d’un modèle de Computer Vision.
Enfin, un autre secteur à s’intéresser à l’observation de la Terre est l’assurance, pour qui les données satellitaires sont un moyen d’automatiser certaines tâches, notamment l’inspection de propriétés et la détection de fraude. A titre d’exemple, la startup américaine Cape Analytics dispose d’une base d’images satellites sur 70 millions de résidences mise à jour plusieurs fois dans l’année à partir desquelles elle fait travailler des modèles de Computer Vision pour fournir des analyses à des compagnies d’assurance : détection des ajouts faits à une propriété n’ayant pas été déclarés, ou encore inspection de l’état du toit de propriétés, qui jusqu’ici demandaient une intervention humaine. Leurs modèles de prédiction du risque sont ainsi enrichis de données précises et acquises plus rapidement et à moindre coût.
Cette capacité à traduire des données satellitaires brutes en résultats concrets et actionnables pour un prix de revient raisonnable a permis d’étendre le champ d’application des données géospatiales. C’est pourquoi des pure-players de la donnée se positionnent depuis quelques années sur le traitement et l’analyse de données satellitaires pour fournir des outils d’aide à la décision, conscients de l’opportunité majeure que représente l’observation de la Terre.
Les possibilités d’application des données géospatiales sont finalement très larges et elles seront amenées à s’étendre avec des technologies comme les drones ou l’Internet of Things (IoT) permettant de collecter de nouvelles données avec lesquelles croiser des données satellitaires. Surtout, c’est l’émergence de géants de la tech dans l’industrie spatiale – la SpaceTech – construisant des fusées réutilisables capables de lancer des satellites sur orbite et de revenir sur Terre, qui permettra d’envoyer plus de satellites en orbite avec un coût marginal décroissant, ouvrant la voie à d’autres applications futures. S’ajoute à cela la poursuite de la baisse exponentielle du coût de la donnée et de son traitement, accélérant ainsi le développement de l’observation de la Terre à travers des cas d’usage toujours plus variés pour les entreprises.
Toutefois, la multiplication des satellites soulèvera probablement des problématiques environnementales ainsi que d’encombrement de l’Espace qui devront être prises en compte par les acteurs concernés…
Sarah GAUVARD et Maxime CARO
Sources
Partager
Sur le même sujet