Interprétabilité des modèles de Machine Learning
18 novembre 2020
Le développement de modèles de Machine Learning traitant de grandes quantités de données permet d’améliorer grandement la performance des prédictions.
Innovation
Rupture technologique, économique et sociale, la blockchain demeure mal comprise, car complexe et singulière. Elle annonce une révolution de l’ampleur de celle d’Internet.
Le 10 août 2000, le quotidien Le Monde titrait « Alerte sur la vache folle », relançant ainsi la crise alimentaire de 1996 pendant laquelle les images de cheptels bovins abattus en masse avaient déjà fortement choqué l’opinion publique. L’élément déclencheur de cette crise fut la découverte de la possible transmission à l’homme de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), maladie entraînant la dégénérescence du système nerveux des bovins. Les enquêtes menées pour comprendre l’origine de cette maladie firent prendre conscience au grand public d’une réalité peu reluisante au niveau de l’industrie agroalimentaire : maltraitance, emploi de farines animales pour nourrir des animaux végétariens, opacité dans la chaîne de valeur, etc. Dès lors, une pression plus forte émana de l’opinion publique pour exiger plus de transparence au sein de la filière, et le thème de la traçabilité s’imposa comme l’alpha et l’oméga de la sécurité alimentaire. Le Larousse la définit comme la « possibilité de suivre un produit aux différents stades de sa production, de sa transformation et de sa commercialisation, notamment dans les filières alimentaires 1 ».
Dans un premier temps, la traçabilité prit la forme d’une obligation d’étiquetage des produits alimentaires, comme en témoigne la création du logo Viande Bovine de France (VBF) en avril 1996. Mais, presque 20 ans plus tard, le bilan de cet étiquetage est contrasté, puisque de nombreux scandales sanitaires ont continué d’émailler notre actualité. Le plus marquant fut sans aucun doute l’affaire Spanghero. Cette société française de conserverie et d’élaboration de produits alimentaires à base de viande a dû fermer ses portes en février 2013 après avoir falsifié l’origine de ses viandes, faisant passer de la viande de cheval pour de la viande de boeuf. Dans ce contexte, les doutes des consommateurs à l’égard de l’industrie alimentaire restent importants. Ces doutes ont désormais largement dépassé l’industrie alimentaire pour se propager au sein de très nombreuses autres industries faisant intervenir des chaînes de valeur complexes et mondialisées : industrie de la mode, des jouets pour enfants, du vin, des diamants, de la cosmétique, etc. Aucune marque n’est désormais à l’abri d’un scandale pouvant ternir son image. Dès lors, comment recréer un lien de confiance entre industriels et consommateurs ?
Pour répondre à ce nouveau défi, de plus en plus de marques tentent de mettre à profit l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour offrir plus de transparence dans leur chaîne logistique. Parmi ces technologies, l’une suscite autant de méfiance que de fantasmes : la blockchain. Elle est apparue en 2008 concomitamment au protocole Bitcoin, dont la description est donnée dans le White Paper du désormais célèbre – sous son pseudonyme – Satoshi Nakamoto : Bitcoin : A Peer-to-Peer Electronic Cash System 2.
La blockchain se définit comme étant une infrastructure d’échanges permettant le transfert de données numériques. Cette infrastructure présente la particularité d’être complètement décentralisée, inviolable et entièrement transparente. Elle permet donc à des individus d’échanger des données et des valeurs numériques sans avoir besoin de déléguer à un tiers la confiance inhérente à un échange économique. De plus, sa construction en chaînes de blocs, au sein desquelles chaque bloc contient l’ensemble des transactions à un moment donné, permet de reconstituer l’ensemble des flux passés, créant ainsi une transparenceunique dans les échanges économiques.
Si le premier usage de cette technologie a été de créer le fameux Bitcoin dont l’ambition est de devenir la première crypto-monnaie transnationale, de nombreux autres cas d’usages ont émergé au cours de ces dernières années, notamment pour réinventer la gestion des chaînes d’approvisionnement ou supply chain. En effet celles, complexes et mondialisées, citées ci-dessus peuvent être considérées comme une succession d’échanges économiques au cours desquels interviennent des producteurs, des transporteurs, des distributeurs et des consommateurs. La technologie blockchain offre la possibilité de tracer de façon transparente l’ensemble des flux d’une chaîne d’approvisionnement en les stockant sur une infrastructure décentralisée.
Ce dernier point est essentiel pour comprendre en quoi la technologie blockchain modifie en profondeur le paradigme de la transparence. En effet, il n’est pas nécessaire de développer une blockchain pour tracer un ensemble de flux, puisque cela peut être fait avec un système informatique classique. En revanche, dans ce dernier cas, l’exactitude de la donnée inscrite dans le système informatique est garantie par l’entité à l’initiative de sa création. Dès lors, cette entité devient juge et partie, puisque l’information stockée peut être modifiée. Dit autrement, l’histoire racontée par un système informatique classique peut être réécrite en fonction des circonstances, comme ce fut le cas avec l’entreprise Spanghero. À l’inverse, la technologie blockchain, parce qu’elle est décentralisée, fournit une information immuable.
Or qu’est-ce que l’exigence de transparence et de traçabilité sans la conviction que l’information fournie est exacte ? Peu de chose. La blockchain apporte les deux, et c’est en cela qu’elle peut devenir un catalyseur de transformation dans la gestion des chaînes d’approvisionnement, en apportant une nouvelle façon de générer de la confiance entre le producteur et le consommateur.
De nombreux acteurs ont ainsi décidé de s’emparer de cette technologie pour proposer une expérience client améliorée, où l’on peut découvrir, à travers un QR Code, les différentes étapes de la vie d’un produit. La société Labeyrie a par exemple annoncé en novembre 2019 un partenariat avec IBM pour l’implémentation d’une blockchain permettant de mieux contrôler l’information le long de la chaîne d’apprivoisement. Ce projet prend vie autour de deux produits phares de la marque : le Saumon fumé grandes origines cercle polaire norvégien 4 tranches et le Saumon fumé de Norvège 4 tranches. L’information inscrite dans la blockchain peut être lue grâce à un QR Code situé sur le paquet d’emballage. Le consommateur, en le scannant, a accès à de nombreuses informations sur le produit, comme la ferme aquacole où le saumon a été élevé, la nourriture avec laquelle il a été nourri, les éventuels traitements qu’il a pu recevoir, la date à laquelle le produit a été préparé, etc. La confiance envers l’exactitude de ces informations provient du fait que chaque acteur, au sein de la chaîne d’approvisionnement, se voit responsabilisé des données qu’il renseigne dans la blockchain puisque celles-ci sont datées et signées. Néanmoins, c’est ici qu’il convient de souligner un point important : il n’est pas possible a priori de certifier l’exactitude de l’information saisie dans la blockchain. La seule certitude offerte par cette technologie est que l’information, une fois inscrite, ne peut plus être altérée.
Par exemple, rien n’empêche un intermédiaire malhonnête de rentrer des informations erronées sur la provenance du saumon. En revanche, le fera-t-il s’il sait que le jour où un scandale éclatera, on pourra remonter jusqu’à lui ? À défaut de pouvoir y répondre par la négative avec certitude, on peut convenir qu’il y réfléchira au moins à deux fois.
Malgré cette restriction, implémenter une blockchain permet aux marques de lancer une réflexion globale sur la digitalisation de leurs chaînes d’approvisionnement et de faire travailler ensemble, vers un objectif commun, les différentes parties prenantes. La technologie blockchain se transforme ainsi en laboratoire d’essai pour tester des solutions innovantes, dans le but d’améliorer la traçabilité de l’information. Ainsi, le diamantaire De Beers a développé Tracr, une technologie blockchain permettant d’authentifier un diamant via ses caractéristiques – dont la provenance –, lui fournissant une signature unique. Cette plateforme permet de lutter, d’une part contre les diamants de sang et d’autre part contre les éventuels faux ou imitations, préservant par là même l’image de la marque.
La mondialisation des chaînes d’approvisionnement, débutée durant la deuxième moitié du xxe siècle, a engendré une complexification croissante de ces dernières, rendant de moins en moins évidente la notion de « provenance » d’un objet de consommation. Ce phénomène, accentué par les nombreux scandales sanitaires et sociaux et une exigence plus grande des consommateurs, a eu comme conséquence une rupture des liens de confiance entre les marques et les consommateurs. Pour y faire face, la technologie blockchain, dont les principes fondamentaux reposent sur la décentralisation de la confiance et sur l’inviolabilité de l’information qui y est contenue, propose une solution idoine pour accélérer la transformation digitale des chaînes d’approvisionnement.
Morand STUDER et Clément TEQUI
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